A la rencontre des apiculteurs des sources du Nil
En théorie, cela devait être une simple visite. J’avais repéré sur un marché un miel d’exception au délicieux goût de caramel. En remontant la piste, j’ai réussi avoir les coordonnées du fermier-apiculteur et à peu près comprendre où il habitait. Nous avons convenu que nous viendrons mercredi, à quelques 200km de Bahir Dar où nous étions actuellement. Il nous attendrait au dernier village là où la piste s’arrête pour nous emmener voir ses ruchers à plus ou moins deux heures de marche de là. Aucun autre moyen d’accès à sa ferme.
En théorie, cela devait être une simple visite mais les choses prennent toujours un autre ampleur ici en particulier quand on sort des sentiers battus.
Mon beau frère devait me conduire mais au petit matin, je constate qu’il y a un chauffeur. Normal, c’est lui qui gardera la voiture quand nous partirons à pied me dis-je.
Sur le bord de la route, nous emmenons un troisième éthiopien qui selon ce que je comprend doit nous servir de guide. Il s’avèrera qu’il ne connait pas du tout la route et détonnera encore plus que moi chez les fermiers avec ses jeans, baskets et lunettes de soleil derniers cris.
3h de route suivie de deux heures de piste plus tard, nous arrivons au point de rendez-vous. C’est jour de marché et on ne passe pas inaperçu. Les réactions oscillent entre un regard interloqué et un chaleureux Selam ou welcome.
Kasai est là. On se salue. Un garde armé d’un fusil va nous accompagner. Finalement, notre chauffeur va aussi nous accompagner. On recrute un voisin pour garder le van en notre absence. Un fermier - apiculteur voisin veut que l’on visite également ses ruchers et va nous accompagner également. Tout semble en place place mais personne ne bouge. Le soleil à cette latitude est intense. Je cherche du regard un coin d’ombre. Et là, quelqu’un lance chai buna? De grands sourires illuminent les visages et on se dirige de l’autre côté de la rue où une échoppe sert le café sous une bâche. La préparation du café semble interminable mais surtout il semble avoir un gros blocage à notre départ. Les informations s’étant répandues comme une trainée de poudre, certains ont estimés que l’on devait avoir une autorisation pour se rendre jusque la ferme de Kasai. Les négociations vont bon train mais on ne veut pas nous laisser partir tant que le responsable local n’est pas arrivé. On a envoyé quelqu’un le chercher. Les négociations reprennent avec lui qui va finalement nous accompagner également. Au bout d’une heure et demie, notre simple visite, s’est transformée en une petite expédition de 10 personnes dont trois avec des batons et un avec un fusil.. Le pas élastique, ils avancent à toute vitesse sans effort apparent. J’ai toutes les peines du monde à les rattraper dès que je m’arrête pour prendre une photo. La nature est tellement magnifique que j’ai envie de m’arrêter à chaque pas !
A la rencontre des apiculteurs des sources du Nil ( 2ème partie) ou petit conte de Noël.
Être invité chez quelqu’un à la campagne est une expérience riche en toutes sortes d’émotions.
En franchissant le seuil, vous quittez la lumière vive pour un monde de pénombre profonde.
Nous nous installons sur les banquettes que nous a désigné notre hôte avant de disparaitre.
Assise sur une peau de chèvre, adossée au mur de terre, mes yeux commencent progressivement à distinguer l’intérieur intemporel du siècle dernier, du moyen-âge, de l’antiquité, du début de la civilisation,…. Un cocon naturel rassurant. L’essence même du foyer. Pas besoin de mobilier superflu. Les banquettes sont faites de terre battue comme les murs et le sol. Il suffit de planter un morceau de bois dans le mur pour y accrocher les quelques ustensiles. En franchissant le seuil, j’ai peut-être également franchi une faille spatio-temporelle. Quelques intrus me rassurent sur le fait que je suis toujours au 21ème siècle. Notre hôte réapparaît pour nous servir généreusement. Il est difficile de l’arrêter. Il ajoute des galettes à celles déjà présentes et recouvertes de shiro, des pommes de terres cuites à l’eau. D’une énorme bouilloire, on verse la tella dans les verres. La bière fabriquée dans chaque foyer dont la couleur oscille entre le brun et vert est plate. On est bien loin de la bière pression mais un peu plus proche du lambic. Je joue ma carte joker farangi et je me contente de l’eau en bouteille que j’ai emporté. Vient ensuite l’araki, alcool fort aromatisé d’herbes locales qui ne se sirote doucement dans de touts petits verres. Et puis, un énorme plat de rayons de miel frais comme appelle le miel injera ( du nom de la galette éthiopienne).On croque dans le rayon et on recrache la cire. Délicieux ! Après quelques bouchées, je n’en peux plus. Je suis effarée des quantités que peuvent avaler mes autres compagnons. Par la porte ouverte, seule ouverture de la maison sans fenêtre, le temps est changeant et il risque de pleuvoir. Difficile de se remettre en route après un tel repas. Nous devons encore visiter la ferme de Tèbèta qui a déjà fait prévenir sa femme qui nous attends. Quand je m’interroge sur le fait qu’on était venu pour se rendre chez Kasai, j’apprends qu’il a été