Recit de voyage
Véronique - Mars 2023
1ère étape : L'arrivée à la capitale, Addis Abeba
"Du café et de l’encens, voici ce qui m’a captivée en cette 1ere journée en Éthiopie. L’encens qui se vend sous forme de petits cailloux dans des sacs énormes au merkato d’Addis, le plus grand bazar d’Afrique. Vision lunaire au sortir de l’avion que cet immense labyrinthe chaotique où l’on trouve des montagnes de tout et où il faut sans cesse éviter de se faire renverser par des porteurs aux charges extraordinaires qui bousculent tout le monde sur leur passage. Où les pratiquants qui n’ont pu entrer dans la mosquée trop pleine, prient en plein passage sur leur tapis tandis qu’autour l’effervescence continue de battre son plein sans y prêter la moindre attention. Où les véhicules improbables s’engouffrent alors qu’il y a tout juste la place de s’y glisser à pied. Lieu fou ! Et ce café, ce fameux café éthiopien cuit sur des braises, un régal corsé qui m’aura tenu éveillée jusqu’à présent malgré ma très courte nuit. Joie des premières impressions, joie des premières rencontres et notamment avec cette troupe d’écoliers hilares que l’on a prise en chemin et qui s’est engouffrée dans notre voiture comme un raz-de-marée ! "
2ème Etape : De Lalibela aux communautés Wollo des hauts plateaux
"Me voici dans un autre temps."
Les églises monolithes creusées à même la roche aux XII-XIII siècles continuent de célébrer les rites orthodoxes et d’accueillir les fidèles comme des siècles auparavant. Cela rend les lieux d’autant plus émouvants qu’ils vibrent sans interruption depuis si longtemps de chants et de prières. L’architecture colossale, la pénombre à l’intérieur, les prêtres assis dans les recoins, la dévotion des pèlerins, créent une atmosphère emplie de mystère. Lalibela est un haut lieu de pèlerinage et attire quantité d’éthiopiens très pieux. Ils vénèrent nombre de saints et racontent leur histoire comme si elle venait d’avoir lieu. Les femmes portent presque toutes de grandes croix sculptées très belles. Tous se drapent de blanc avant d’entrer dans les lieux saints. Cela crée des silhouettes très dignes et élégantes quand souvent ce sont des pèlerins très pauvres qui viennent de parcourir des kilomètres à pied, peut-être des jours de marche. Le souffle de l’histoire n’est pas éteint ici. Et plus haut, sur les plateaux à plus de 3000m d’altitude, non plus. Le sentier qui me mène auprès de la famille qui va m’accueillir est exigeant mais le paysage est tellement spectaculaire que j’oublie vite mon essoufflement. La vue du plateau est panoramique et de toute beauté. Je croise en marchant les agriculteurs qui vivent sur ces hautes terres. Ils parcourent souvent des kilomètres parfois très lourdement lestés et se rendent au marché ou bien cultivent leur parcelle. Leurs maisons sont principalement des cases et parfois des bâtisses un peu plus grandes en pisé avec un toit en tôle. À l’intérieur, le bétail est logé dans un coin au rez-de-chaussée non loin de l’âtre où l’on cuisine, mange et vit. La famille dort à l’étage juste au-dessus des bêtes qui tiennent chaud lorsque les températures chutent à la nuit tombée. Ni électricité ni eau courante. Je suis frappée par l’obscurité et la fumée qui pique les yeux, les odeurs qui mêlent café, encens et bêtes, l’ancestralité des gestes. A l’intérieur du foyer comme à l’extérieur dans les champs, sur les chemins, j’ai l’impression de vivre des scènes bibliques. Le monde dont je viens paraît très loin, improbable. La vie est dure bien sûr mais sur ces plateaux retirés, l’homme et la nature sont en harmonie, il y règne une grande sérénité et je suis émue et reconnaissante de la vivre aux côtés de mes hôtes.
3ème Etape : le parc national des monts Simiens
"Je suis en apesanteur."
Les 7h de route entre Lalibela et Gondar sont passées vite tant j’ai été captivée par les paysages, les scènes de vie le long de la route, dans la campagne et dans les villages traversés. Nous avons croisé des contingents de l’armée (le conflit avec la région du Tigré est encore tout récent), des cavaliers à fière allure, des processions de fidèles se rendant à l’église, des échoppes regorgeant de couleurs, des enfants aux sourires magnifiques, des ânes courageux, des buffles paisibles, de l’animation chaotique et palpitante dans les bourgs.. Quel dépaysement et quel défilé d’images et d’impressions prenantes. Les longs trajets sur la route sont un cadeau en voyage. Ils permettent de ressentir la distance, le temps, les étapes et le cadre qui changent, la vie qui va son cours naturel de l’autre côté de la vitre.
Départ tôt lundi matin pour Debark à 2h de Gondar afin d’entamer 2 jours de marche dans le parc national du Simien. Je suis accompagnée d’un guide, d’un ranger et sa carabine et d’un cuisinier ! Je ne m’attendais pas à une telle escorte.
Les randonnées dans cette réserve naturelle sont d’une beauté à couper le souffle. Les chaînes de montagnes à perte de vue sont spectaculaires et font penser au Grand Canyon. Je suis en apesanteur.
Les singes Gelada, propres à l’Éthiopie et l’Érythrée, me ramènent sur terre avec leurs petits irrésistibles et leurs mâles imposants à la crinière digne des lions. Ils sont végétariens et très paisibles. Pas de risque de se faire courser par toute la horde. Durant mon passage, je croiserai quelques antilopes aériennes disparaissant aussitôt dans la végétation, des babouins à la mine moins sympathique que son cousin Gelada et des oiseaux de proie impressionnants.
Pendant que nous marchions, le chef a préparé un dîner végétarien succulent. C’est le carême actuellement et il est strictement suivi ici : grands mangeurs de viande, les éthiopiens orthodoxes deviennent totalement végétariens durant presque 2 mois. Je me régale avec mes gentils acolytes autour d’un feu réconfortant car à plus de 3000m, il fait vraiment froid la nuit. Je rejoins ma tente sous une voûte étoilée exceptionnelle. Il n’y a pas une habitation ni électricité à des km à la ronde, il fait nuit noire et je crois que je n’ai jamais vu autant d’étoiles et avec une telle netteté de ma vie.
Réveil avec le lever du soleil et la lumière du petit matin rayonnant sur le canyon me saisit d’émotion.
Deuxième partie de la randonnée ce matin avec l’arrivée au sommet de notre plateau à 4000m. Un vent froid à décorner les bœufs et un bel effort à fournir mais la vue à l’arrivée efface toute sensation de lassitude et je ne ressens plus qu’un immense émerveillement. Joie d’être là et de vivre ce moment !