Le mois de Janvier, mois de fêtes en Ethiopie.
Les fêtes de Timkat
Timkat occupe une place particulière parmi toutes les fêtes qui jalonnent le calendrier éthiopien. C’est bien évidemment une fête religieuse mais c’est aussi l’occasion d’une grande fête populaire mêlant processions religieuses et atmosphère de carnaval avec ces chars bariolés illustrant des thèmes bibliques.
Gondar, l’ancienne capitale du royaume, est fin prête. Les murs de pierre de la vieille ville médiévale sont parés des couleurs du drapeau éthiopien. L’effervescence est palpable. L’ambiance est électrique. Tout le monde s’active à mettre la touche finale aux préparatifs.
Soudain, au hasard d’une ruelle, derrière le mur d’enceinte d’une des nombreuses églises qui entourent l’enceinte royale, le son clair d’une cloche retentit. C’est le signal du début des es festivités. Le prêtre tire à nouveau sur la corde qui se perd dans le fouillis des branches d’un arbre. Il faut bien chercher pour arriver à repérer la cloche. La cérémonie commence à l’abri des regards. Dans le maqda, dont l’accès est interdit, le Tabot, réplique de l’arche d’alliance est retiré et enveloppé de soieries. De l’extérieur parvient seulement le chant lancinant des prêtes qui est rediffusé par les hauts parleurs. Les chants des différentes églises entourant le Fasil ghebi, l’enceinte royale, se répondent puis s’entremêlent.
Puis un premier coup de tambour. le kebero, cet énorme tambour rituel porté à l’épaule et frappé du plat de la main. Un deuxième coup. Progressivement le rythme s’accélère. Les prêtres et diacres sortent un par un dans leurs habits de cérémonies, portant de grandes croix de cérémonies. Les parasols s’ouvrent pour les protégés portés par les enfants de chœur.
Enfin, le Tabot sort, porté sur la tête, protégés dans ses draperies et sous un parasol.
Le tapis rouge est déroulé. Pendant toute la procession, une équipe s’occupera de dérouler un tapis rouge pour que le Tabot ne touche pas le sol. A peine les dernières foulées passés, que le tapis rouge est replié et porté en courant au devant pour le dérouler à nouveau. Et cela sur les 3km qui relie l’église au lieu de cérémonie.
« il
n’y a pas de jour plus important que Timkat pour porter de nouveaux
vêtements »
Dans la ville c’est déjà la cacophonie : chants, musique, trompettes, vendeurs de t-shirts spéciaux pour l’occasion,… Tout le monde a mis ses plus beaux habits. Bien souvent, ce sont des vêtements faits spécialement pour l’occasion. Les groupes d’amis ou d’amies portant le même vêtements. Ce sont les vêtements traditionnels qui ont toujours la côte même si parfois le style est légèrement revisité. Le proverbe dit « le Timkat Yalhone kemis yibetates » ou « il n’y a pas de jour plus important que Timkat pour porter de nouveaux vêtements ». Les petits groupes de jeunes filles et de jeunes garçons s’observent, se taquinent, dansent et chantent ensemble. Dans les campagnes, Timkat est encore une des rares occasions pour les jeunes de se rencontrer et de repérer qui on souhaiterait épouser. Les garçons ont des citrons verts. Si une fille leur plait, il lui lance. Si la fille attrape le citron et le garde, cela veut dire que le garçon lui plaît aussi. Si elle jette le citron, elle n’est pas intéressée.
Les processions des différentes églises se rejoignent une à une. Le soleil est maintenant bas dans le ciel quand les Tabots arrivent au lieu de cérémonie : un pavillon d’été au milieu d’une vaste piscine : les bains de Fasilidas. Ils resteront là sous bonne garde toute la nuit.
L'explosion joyeuse
Il est 4 heures du matin, les fidèles drapés dans leur toge blanche ressemblent à des fantômes. Tous convergent vers les bains en silence. L’ambiance est maintenant au recueillement. Les lumières vacillantes des bougies de cire parsèment l’assemblée qui s’étoffe de plus en plus. Les prêtres et diacres prennent place tout autour de l’eau. Les chants commencent rythmés par le son des sistres qui sont agités en cadence. Cet instrument qui remonte à l’antiquité égyptienne est toujours un élément essentiel de la liturgie éthiopienne. La scansion au sistre incite à la transe et aux transports extatiques. Pour les profanes comme moi, la cérémonie peut paraître assez longue mais il y a quelque chose de magique d’observer le lever du jour et tous les changements de teinte du ciel dans cette ambiance. Le soleil commence déjà à nous réchauffer quand les chants font place aux discours. La foule est maintenant compacte et s’étend bien au-delà de l’enceinte des bains. Et puis, c’est le moment crucial. De nombreux jeunes hommes se sont déshabillés et placés au bord de l’eau. Le chef de l’église bénit l’eau et en un instant, c’est l’explosion de cris et de joie après les heures de prières. Tout le monde saute à l’eau, crie, s’éclabousse. La foule est arrosée avec l’eau de la piscine. Le contraste est saisissant. La joie se lit sur tous les visages. Timkat en amharique signifie baptême et la fête de Timkat célèbre le baptême de Jésus dans le Jourdain.